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Des accidents nucléaires partout

France : Civaux : Fuite d’eau à la centrale et rejets chimiques dans l’environnement

Manque d’entretien et lenteur de réaction génèrent une nouvelle pollution




30 avril 2024


Il s’agit d’un "écoulement d’eau" (chargée de produits chimiques), constaté fin mars 2024 à la centrale de Civaux (Nouvelle-Aquitaine). Qui n’a été "réorienté vers le système de collecte des eaux industrielles" que le 17 avril. Entre-temps, 50 m3 se sont déversés "en dehors des voies normales de rejets" dans la Vienne, affluent de la Loire.


Crédit photo : André Paris

Le 30 avril 2024, la centrale de Civaux publie un communiqué relatant les incidents déclarés à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) durant le mois. On y apprend que le 19 avril, l’industriel a signalé à l’ASN un évènement significatif pour l’environnement [1], du fait d’avoir laissé se déverser dans la nature 50 m3 d’eau chargée de produits chimiques. Cette eau provenait du système d’alimentation des générateurs de vapeurs (GV [2]), des gros échangeurs thermiques qui permettent de capter la chaleur dégagée par la réaction nucléaire et de produire de la vapeur (vapeur qui fait tourner une turbine qui, en étant couplée à un alternateur, permet de produire de l’électricité). Il n’est donc pas question ici de radioactivité. Mais en revanche, de produits anti-corrosion, détergents et biocides qui sont ajoutés dans l’eau qui transite dans les GV.

C’est donc un cocktail d’hydrazine, d’éthanolamine et d’ammoniaque qui s’est retrouvé dans la Vienne. Car la fuite est survenue sur une partie du circuit située en extérieur, sur une terrasse entre la salle des machines et la bâtiment réacteur. Cette eau s’est écoulée dans le réseau qui collecte des eaux de pluie, qui se déverse directement dans l’environnement.
EDF dit avoir constaté la fuite le 28 mars 2024. Mais ce n’est que le 17 avril, 3 semaines après, qu’un système a été mis en place afin que cette eau ne se déverse plus dans la nature, et soit orientée là où elle est censée aller : le système de traitement des eaux industrielles qui récupère toutes les eaux du site utilisées pour les besoin des installations (hors zone nucléaire) et qui sont susceptibles d’être polluées par diverses substances chimiques. Le temps que l’exploitant agisse, 50 m3 de ces eaux industrielles se sont déversées dans la Vienne.

Pour EDF il n’y a aucun impact environnemental (et donc pas de pollution à proprement parler), les quantités de produits chimiques rejetées étant faibles. L’incident résiderait donc uniquement dans un "contournement des voies de rejets autorisées" : au lieu d’être passées par le circuit normal des eaux industrielles, elles sont passées par le circuit des eaux de pluie. L’industriel est censé maîtriser absolument tout ce qui sort de son installation. Clairement, ça n’a pas été le cas. Qui plus est, une phrase du communiqué laisse planer le doute quant au respect des limites autorisées des quantités rejetées : "La très faible concentration en produits chimiques dans ces eaux déversées a amené à ne pas dépasser 0,1% au maximum des limites réglementaires de rejets pour chacun des produits chimiques concernés." Les limites n’ont pas été dépassées ou elle ne l’ont été que de très peu (0,1%) ? EDF se garde d’ailleurs bien de chiffrer les quantités d’hydrazine, d’éthanolamine et d’ammoniaque déversées dans le fleuve durant les 3 semaines de fuite.

Quoiqu’il en soit, qu’une fuite survienne sur le circuit d’alimentation en eau des échangeurs thermiques d’un réacteur nucléaire, que cette fuite soit identifiée mais laissée en l’état, que l’enjeu d’atteinte du milieu naturel n’ait pas été identifié, que le contournement des voies de rejet n’ait pas été traité avant plusieurs semaines sont autant d’éléments qui démontrent la pluralité des dysfonctionnements dans la gestion de l’installation. A minima, les faits révèlent un manque de rigueur, un défaut d’analyse et une lenteur de réaction. Et ce n’est pas par un langage édulcoré que EDF pourra l’effacer.

Ce que dit EDF :

Evénements significatifs - avril 2024

Publié le 30/04/2024

Contournement des voies normales de rejets

Un écoulement d’eau a été constaté le 28 mars au niveau d’une bride sur le système d’alimentation en eau des générateurs de vapeur, côté circuit secondaire (partie non nucléaire de l’installation). Cette bride est située en extérieur, sur une terrasse entre la salle des machines et le bâtiment réacteur.

Cette eau s’est écoulée par le système de drainage d’évacuation des eaux pluviales. Elle contenait en très faible quantité de l’hydrate d’hydrazine, de l’éthanolamine et de l’ammoniaque*.

L’écoulement a été réorienté vers le système de collecte des eaux industrielles le 17 avril. Environ 50m3 d’eaux ont été déversées dans le réseau d’eaux pluviales. La très faible concentration en produits chimiques dans ces eaux déversées a amené à ne pas dépasser 0,1% au maximum des limites réglementaires de rejets pour chacun des produits chimiques concernés.

Cet évènement a donc été sans impact significatif sur la Vienne, du fait des très faibles quantités de produits chimiques rejetés. Cependant, le fait d’avoir envoyé environ 50m3 d’eaux industrielles en dehors des voies normales de rejets, a amené la direction du site à déclarer à l’autorité de sûreté nucléaire le 19 avril 2024, un évènement significatif environnement.

*Ces produits chimiques sont nécessaires à la bonne exploitation des unités de production.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-civaux/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-civaux/evenements-significatifs-avril-2024


[1Événements significatifs : incidents ou accidents présentant une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, le public, les patients ou l’environnement. https://www.asn.fr/Lexique/E/Evenement-significatif En dessous des évènements significatifs, il y a les évènements dits « intéressants », et encore en dessous les « signaux faibles ». Un évènement catégorisé « significatif » est donc déjà « en haut de l’échelle » d’importance des évènements

[2Un générateur de vapeur (GV) est un échangeur thermique entre l’eau du circuit primaire, portée à haute température (320 °C) et à pression élevée (155 bars) dans le cœur du réacteur, et l’eau du circuit secondaire qui se transforme en vapeur et alimente la turbine. Chaque générateur de vapeur comporte plusieurs milliers de tubes en forme de U, qui permettent les échanges de chaleur entre l’eau du circuit primaire et l’eau des circuits secondaires pour la production de la vapeur alimentant la turbine https://www.asn.fr/Lexique/G/Generateur-de-vapeur


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Installation(s) concernée(s)

Civaux

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72