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Des accidents nucléaires partout

France : Flamanville : Pollutions de l’environnement : 3 incidents en 1 semaine

Fuites d’hydrocarbures et de liquides de refroidissement : EDF fait-il tout pour préserver l’environnement ?




3 mai 2024


Multiples défaillances d’équipements à la centrale nucléaire de Flamanville (Normandie). Et multiples pollutions de l’environnement : des limites d’hydrocarbures dans l’eau dépassées, plus de 100 kilos de liquides de refroidissement évaporés et le canal de rejet en mer irisé. Et à chaque fois un manque de réactivité.


Crédit photo : Adobe Stock

En l’espace d’une semaine, la centrale EDF a déclaré aux autorité 3 évènements significatifs pour l’environnement. L’un pour avoir cumulé, depuis le début de l’année, plus de 100 kilos de fuites de liquides de refroidissement, des substances qui se transforment en puissants gaz à effet de serre une fois à l’air libre  [1]. Des défaillances matérielles sur des groupes générant du froid pour les équipements et la climatisation sont en cause. Un autre pour avoir dépassé, à 2 reprises, les limites de rejets autorisés en hydrocarbures. Des taux supérieurs à 5mg/L, la concentration maximale, ont été mesurés dans les eaux rejetées par la centrale nucléaire dans la mer. EDF ne dit ni d’où provenaient les fuites, ni quelles concentrations d’hydrocarbures ont été mesurées. Enfin, un essai sur un groupe électrogène a mal tourné : le moteur s’est emballé, ce qui a détérioré le système de réfrigération de l’équipement. Le liquide de refroidissement s’est mélangé à de l’eau et s’est écoulé dans le réseau qui collecte les eaux de pluie, qui le déverse directement dans l’environnement. EDF dit avoir tenté de stopper la pollution du réseau, mais une irisation du canal de rejet en mer a été observée peu de temps après, confirmant une atteinte de l’environnement par la substance chimique.

Tous ces faits ont été déclarés par EDF à l’Autorité de sûreté nucléaire entre le 12 et le 19 avril 2024. Le public lui ne sera informé que plusieurs semaines après, par un communiqué publié le 3 mai.
Soulignons que les fuites d’hydrocarbures ont été identifiées par des prélèvements faits les 4 et 9 mars, mais que ce n’est que le 13 que les résultats sont revenus. Ce délai de plusieurs jours ne permet pas d’identifier qu’une fuite est en cours, encore moins de stopper les rejets dans l’environnement lorsque les limites sont dépassées. L’organisation de l’industriel ne lui permet donc ni de détecter une fuite, ni de stopper une pollution. Notons que l’Autorité de sûreté n’a été prévenue de ces dépassements qu’un mois après, le 12 avril.

Quant à la fuite de liquide de refroidissement survenue lors du test de fonctionnement sur le groupe électrogène, elle démontre que le risque de pollution en cas de dysfonctionnement n’a pas été identifié par l’industriel. Ni lors de la préparation de l’essai, ni lors de l’a mise en place de son groupe électrogène. Sinon, le point de collecte d’eau pluviale dans lequel s’est déversé le liquide de refroidissement aurait été condamné ou protégé. Outre le problème de fonctionnement du moteur diesel (qui est censé fonctionner, car il sert à fournir de l’électricité au réacteur nucléaire en cas de coupure des alimentations électriques normales) qui laisse envisager un manque d’entretien, c’est bien l’emplacement de l’équipement et la préparation de l’essai qui ont posé problème et qui ont généré une énième pollution de l’eau. Là encore, l’exploitant n’a pas été suffisamment réactif pour éviter une atteinte de l’environnement.

Enfin, des fuites sur 3 matériels produisant du froid ont provoqué, en 3 mois, plus de 111 kilos de "perte" de liquides de refroidissement dans la nature. Une de ces fuites a été de 85 kilos. Là encore, il est manifeste que la surveillance de l’industriel ne lui permet pas d’identifier rapidement une fuite dans l’environnement, et donc de la stopper.

Ces 3 incidents, déclarés en 7 jours courant avril mais annoncés avec retard au public (et pour l’un aux autorités), trouvent tous les sources au même endroit : un manque de rigueur dans l’entretien et la surveillance des installations. Couplé à une organisation qui ne permet pas à l’industriel de détecter les fuites dès qu’elles surviennent, ce défaut de gestion industrielle ne peut qu’aboutir à des incidents. À se demander si EDF se soucie vraiment de préserver l’environnement.

Ce que dit EDF :

Événements significatifs - avril 2024

Publié le 03/05/2024

Environnement

12/04/2024

Le 13 mars 2024 matin, deux échantillons hebdomadaires prélevés les 4 et 9 mars 2024 sur l’émissaire n°4 et analysés par un laboratoire extérieur dépassent ponctuellement la limite réglementaire de concentration d’hydrocarbures rejetés dans l’environnement, fixée à 5mg/L.
L’événement déclencheur est en cours d’analyse.
Les émissaires voisins ont d’ores-et-déjà été vérifié afin de s’assurer de l’absence d’hydrocarbures.
Cette situation a conduit la Direction de la centrale de Flamanville 1&2 à déclarer à l’ASN, un événement significatif environnement, le 12 avril 2024.

18/04/2024

Au 8 avril 2024, la centrale nucléaire de Flamanville 1&2 a comptabilisé un cumul de 111,88 kg d’émission de fluide frigorigènes depuis le début de l’année 2024. Ces émissions ont été relevées sur 3 équipements de réfrigération ou de climatisation répartis sur le site et sont comprises entre quelques kilos et85 kg. Le dépassement du seuil de 100 kg/an a conduit la direction de Flamanville 1&2 à déclarer, à l’Autorité de sûreté nucléaire, un événement significatif environnement, le 18 avril 2024.

18/04/2024

Lors de l’essai périodique d’un des deux moteurs diesel de l’unité n°2 (alors en arrêt pour maintenance), dans la nuit du 3 au 4 mars 2024, le moteur a tourné en survitesse, ce qui a conduit à dégrader une partie du circuit de réfrigération du diesel, générant un déversement de liquide de refroidissement au niveau d’un point de collecte d’eau pluviale. Malgré la mise en place de moyens de collecte et la vidange du circuit, les 3 et 4 mars, des traces d’eau irisées ont été détectées dans un émissaire de rejet en mer, confirmant le déversement de liquide de refroidissement dans le milieu naturel.
Cette situation a conduit la direction de Flamanville 1&2 à déclarer, à l’Autorité de sûreté nucléaire, un événement significatif environnement, le 19 avril 2024.

https://www.edf.fr/la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/les-actualites-de-la-centrale-nucleaire-de-flamanville-1-2/evenements-significatifs-avril-2024


[1Les liquides de refroidissement sont des produits artificiels qui, par leur composition chimique, participent activement au réchauffement climatique. De la famille des hydrofluorocarbures (HFC), ils sont sous forme liquide lorsqu’ils sont sous pression mais passent à l’état gazeux dès qu’ils sont à la pression atmosphérique. Une fuite de liquide de refroidissement provoque donc des rejets de gaz dans l’atmosphère. Des gaz qui ont un pouvoir de réchauffement global (PRG) beaucoup plus puissant que les gaz à effet de serre plus connus tels que le CO2 ou le méthane (CH4). Par exemple, 1 kilo de liquide de refroidissement de type R134A a le même effet en terme de réchauffement sur 20 ans que 3700 kilos de CO2. Qui plus est ces gaz ont une durée d’activité assez longue. Par exemple, il faut plus de 28 ans pour que le pouvoir de réchauffement global du R125 diminue de moitié (demi-vie* de 28.2 ans) ; et encore 28 années de plus pour que son activité diminuée de moitié soit de nouveau divisée par 2, etc.

Source : "Certains gaz à effet de serre des centrales nucléaires", Bernard Laponche, octobre 2020, Global Chance.
* Une demi-vie correspond à la période de temps nécessaire pour que l’activité de la substance se réduise de moitié.


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Installation(s) concernée(s)

Flamanville

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